22/09/18 - Soigner le témoin de la douleur ?


I

Raconter son calvaire, c'est une affaire difficile. 

Il me semble qu'on ne peut choisir qu'entre : faire le récit glacial des faits oubien l'autorécit chaud de ce que l'on a éprouvé.

Dire froidement les faits, c'est compter sur le lecteur pour qu'il trouve en lui-même des souvenirs auquelles il peut faire appel pour construire un pont entre symboles objectifs et sentiment subjectif de terreur.

Faire chaudement un autorécit, c'est utiliser des symboles propres aux souvenirs de leur utilisateur. On le fait au risque de ruiner la compréhension du lecteur. 

Dans les deux cas, on veut atteindre objectivement le lecteur, on est auteur et co-usagé du texte qu'il lit.

Lors du récit de son calvaire, l'auteur peut vouloir se rassurer et rassurer ses lecteurs par effet colatéral. A l'inverse, il peut augmenter sa seule souffrance en s'éfforçant de revivre de lourds souvenirs. Dans les deux cas, il est le seul en mesure de gérer une peur non transmissible.

Alors, la grande difficulté c'est de faire coïncider l'effroie de celui qui est sur le point de mourir, qui voit sa vie défiler devant ses yeux, avec la peur des areignées qu'éprouve Georgette (lectrice). 

Je préconise de fixer l'attention de Georgette sur une areignée, de la bloquer, delui enlever tout espoir d'échapper à la confrontation, et ce sera déjà un bel exploit dans le sens de l'empathie que Georgette éprouvera à l'avenir (parce que la peur présente rend toutes les peurs négligeables).

II


Après avoir dit son inquiétude au sujet du Comte Dracula, Jonhathan, pas témoin de grand chose, nous dit être physiquement captif. Nous ajouterons qu'il est mentalement actif.

Il grimpe un mur, s'aventure dans la chambre du comte, ouvre portes, traverse couloirs, et termine dans une chapelle.

A s'introduire dans une chambre, on sait tous ce qu'on peut éprouver : on ose un geste répréhenssible, on espère ne pas être prit sur le fait, l'adrénaline monte, tous les sens sont en éveil.

On pourrait se dire que ça suffit, entant que spectateur, pour se mettrre à la place de Jonathan. J'imaigne que c'est comme moi qui essaye de voler un biscuit sur la table, alors que je suis caché sous la table, pendant que les tantes sont en train de boire un thé.

C'est ignorer la complexité : l'introduction dans le lieu, l'effort, les vagues successives d'adrénaline à chaque geste osé (décider d'ouvrir une porte, décider de suivre le tunnel, les pauses immobiles, les yeux écarquillés, à se demander : "est-ce que ça vaut bien le coup de continuer ? Je ferais pas mieux de faire marcher arrière ?").

Pour avoir vécu le pire, en ce qui me concerne, je peux modestement compléter son impression.

Je pense qu'il est encore jeune, n'a pas trop souffert. Il doit étouffer, avoir envie d'uriner, transpirer, avoir le champs de vision réduit, l'ouïe sur-développée, et les gestes rapides.

S'il avait souffert d'avantage, il aurait eu en plus une sensation de coeur fatigué, comme après un marathon. Il aurait eu un pic dans le coeur, comme si on lui avait ouvert la cage toracique, pour y accéder et appuyer très fort l'angle rond d'un cube en bois. Le coeur pousse le pique à chaque battement, mais ce point voulait le ratatine, comme pour le vider de son sang et qu'il ne se gonfle plus. Il se serait senti physiquement épuisé, ne voudrait plus rien faire, voudrait qu'on le tue, hurlerait, frapperait les murs, casserait le mobilier, deviendrait fou de rage, regarderait sa chaire avec le désir de la déchirer, de se détruire.


Voir le compte dans une caisse, ça ne choque pas plus que ça notre Jonathan.

Oubien c'est moi qui suis insensible ? Après tout Stoker écrit des faits, il ne nous dit presque rien des sentiments des personnages.

De me dire que je puisse lire ce passage et ne rien éprouver m'inquiète. Ca veut dire que depuis 2014 personne n'a eu d'empathie, jamais. Ca veut dire que les gens agissent froidement, et qu'ils sont impuissants à sortir de leur quotidient.

On est impuissants à transmettre un ressentit. On est obligés de se mettre au niveau des gens pour chercher, dans leurs petits quotidients confortables ce qui peut les réveiller.

J'ai tendance à dire des gens qu'ils sont attardés, mais en fait ce n'est pas d'intelligence qu'ils manquent, c'est de vécu. Ils n'ont rien vécu. Ils sont encore à investir du temps, des gestes, et de la fatigue dans des choses sans importance.

III

Je ne veux ni soigner le témoin de la douleur (Comme je fais tout le temps), ni aller chercher l'areignée de Georgette pour la lui remuer sous son nez (Comme on le fait dans Dracula), mais faire comprendre ce que j'éprouve aux ATTARDES.

Articles les plus consultés